Oui, ce sont des compressions!
Malgré les prétentions du ministre Drainville, les écoles font bel et bien face à une réduction du financement gouvernemental
(Photo Taylor Flowe sur Unsplash)
Devant la levée de boucliers soulevée par les compressions imposées au milieu de l’éducation par le gouvernement, le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, soutient qu’il n’y a pas de «coupures», seulement une baisse du rythme de croissance des dépenses. «Soyons clairs, cette année, l’éducation voit encore son budget augmenter de 5 %, a soutenu le bureau du ministre à Radio-Canada. C’est une croissance, pas une "coupure". Maintenant, ce qu’on demande au réseau, c’est de respecter le budget qui a été consenti.»
Je ne sais pas où les conseillers de M. Drainville ont trouvé leur 5% de croissance. Dans le Budget des dépenses 2025-2026 publié par le Conseil du trésor, le budget consacré au réseau préscolaire-primaire et secondaire est en baisse de $98 millions cette année, comparativement aux sommes dépensées l’an dernier.1 Or, le réseau scolaire doit payer ses employés des hausses de salaire significatives, compte tenu des ententes conclues avec les syndicats. Et il y a l’inflation, la hausse du nombre d’élèves, etc. C’est de qu’on appelle «les coûts de système». Pour les absorber, il faut plusieurs centaines de millions chaque année. Ce qui fait qu’en définitive, avec une baisse de budget de $98 millions, le montant disponible pour les services aux élèves est nécessairement et gravement comprimé.
Le gouvernement caquiste souligne que depuis son arrivée au pouvoir, le budget du secteur de l’éducation a augmenté de 54,6%.2 C’est vrai, mais c’est là qu’est tout le problème. Profitant du surplus de $7 milliards laissé par le gouvernement précédent et de la bonne tenue de l’économie québécoise, le gouvernement Legault a dépensé sans compter, non seulement en éducation, mais partout. C’était sans doute populaire dans plusieurs milieux, mais c’était gravement irresponsable. Et on se demande où est allé tout cet argent, tellement les services publics se sont détériorés au cours des dernières années.
Aujourd’hui, le gouvernement se retrouve avec un déficit de $13,6 milliards, avec un retour à l’équilibre budgétaire au mieux en 2029-2030.
(Budget du gouvernement du Québec 2025, p. F-61)
La demande de services en éducation, comme celle de soins en santé, est quasi-illimitée par nature. Mais l’État québécois ne peut pas se permettre de tout financer. Il faut donc faire, chaque année, des choix difficiles. Or, les élus ont horreur de prendre ces décisions impopulaires. Ils ne le feront que lorsque acculés au pied du mur. Autrement, ils préfèrent de loin lancer un nouveau programme, inaugurer une nouvelle maison des aînés ou un nouveau lab-école, ou encore annoncer et ré-annoncer un troisième lien. C’est ainsi que le gouvernement du Québec, tous partis confondus, nous a doté d’un État-providence plus développé que n’importe où en Amérique du Nord. Nous en sommes fiers et nous voulons le préserver à tout prix. Sauf qu’il y a des limites à notre capacité de payer. Et ça, collectivement, nous avons beaucoup, beaucoup de mal à l’accepter.
Budget de dépenses 2025-2026, vol. 2, p. 123.
Budget de dépenses 2025-2026, vol. 1, p. A-3.