Non aux moyens de pression des médecins
Le système de santé est déjà suffisamment mal en point sans que la situation soit aggravée par des tactiques de négociation
(Photo National Cancer Institute sur Unsplash)
La Fédération des médecins spécialistes du Québec a lancé ses premiers moyens de pression dans le cadre du bras de fer opposant les médecins au ministre de la Santé, Christian Dubé. Pour l’instant, ces moyens de pression semblent ne toucher que des activités administratives, et c’est tant mieux. Mais la ligne est mince; le boycottage d’activités administratives peut rapidement se répercuter sur les patients. Il y a là un grand danger de fragiliser encore plus un système de santé qui tient déjà avec de la broche.
Je l’ai indiqué dans un post précédent, je suis très sceptique à l’égard de certains des changements que veut apporter M. Dubé au régime de rémunération des médecins, notamment ceux qui visent à lier cette rémunération à des indicateurs de performance. Je crains cette vision bureaucratique de la médecine, où tout est dépendant d’indicateurs et de statistiques, alors qu’on parle ici d’activités humaines difficilement quantifiables. Que la bureaucratie, elle-même peu performante, puisse juger de la performance des professionnels de la santé sur le terrain m’inquiète profondément.
Cela dit, les médecins ne sont pas sans reproches. C’est un fait que leur rémunération a beaucoup augmenté - plus de 60% de 2010 à 2022 - au cours des dernières années, sans que la productivité n’augmente, contrairement à ce qui avait été promis à l’époque. Les médecins ont beau prétendre que la mauvaise performance du système de santé ne dépend pas d’eux, il reste qu’elles et ils sont au coeur du système. Les docteurs ne peuvent pas se dégager de toute responsabilité; ils doivent être à la recherche de solutions, avec (et non pas contre) le gouvernement.
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a beau contester les données récemment publiées par le gouvernement, suivant lesquelles peu de rendez-vous sont offerts en clinique les soirs et les fins de semaine, quiconque a eu la moindre expérience des soins de première ligne sait très bien qu’il est pratiquement impossible de voir un médecin hors des heures normales de bureau. Pourquoi?
Bien que la plupart des Québécois apprécient les médecins avec lesquels ils sont directement en contact, leur capital de sympathie collectif et celui de leurs syndicats est beaucoup plus faible, tandis que celui du ministre Dubé est élevé. Celui-ci, se disent bien des gens, a au moins le mérite d’essayer de faire quelque chose pour régler les problèmes.
Pour ma part, tout en reconnaissant la bonne foi du ministre, j’ai de gros doutes sur les solutions qu’il a mises de l’avant, entre autres la création du monstre Santé Québec. Mais je trouverais absolument inacceptable que les médecins tentent d’utiliser les patients pour faire reculer le gouvernement, comme certains l’ont fait ces derniers jours en écrivant à leurs patients des lettres au ton alarmiste.