Dubé contre les docteurs
Une bataille de relations publiques est engagée entre le ministre et les médecins au sujet du projet de loi 106.
Le dépôt du projet de loi 106, proposant de lier la rémunération des médecins québécois à leur performance, a provoqué une vague de colère parmi ces professionnels de la santé. Cette colère était évidente mardi, lors de la comparution de leurs syndicats devant la commission parlementaire qui étudie le projet de loi. Les fédérations envisagent des moyens de pression, quoi qu’ils aient maintenant accepté de retourner à la table de négociation avec le ministre de la Santé, Christian Dubé.
Le résultat de cette confrontation dépendra de l’appui que parviendra à obtenir chaque camp dans l’opinion publique. Je ne suis pas d’accord avec l’approche de M. Dubé, qui selon moi va entraîner une bureaucratisation encore accrue de la médecin au Québec. En témoigne le graphique plus haut inclus dans le projet de loi, une équation qui montre comment sera calculée la rémunération des médecins. Difficile de croire, en voyant cela, que la paie des docteurs sera «simplifiée», comme le prétend le ministre.
Toutefois, je constate que M. Dubé est, aux yeux de la population, le ministre le plus populaire et le plus crédible du gouvernement de la CAQ. Dans cette bataille de relations publiques, je crains qu’il n’ait l’avantage sur les médecins. Pourquoi? Parce que ceux-ci ont dilapidé leur capital collectif de sympathie en obtenant depuis dix ans de fortes augmentations de rémunération - parmi les plus fortes au Canada, selon une récente étude de HEC - sans que cela ne se traduise par plus de soins à la population, contrairement à ce qui avait été promis.
Aussi, au cours de la dernière décennie, le nombre de médecins a sensiblement augmenté, mais le nombre de médecins «équivalents temps complet» (ETC) a baissé: c’est dire qu’il y a plus de médecins, mais que ceux-ci travaillent moins qu’autrefois, pour une raison pour pour une autre.
L’argument le plus fort des médecins est de dire qu’ils ne devraient pas être les seuls à porter la responsabilité des échecs de notre système de santé. En commission parlementaire, M. Dubé leur a donné raison et a indiqué qu’il est disposé à modifier le projet de loi pour que la rémunération des autres professionnels de la santé tienne compte, elle aussi, de la performance. Mais qu’en sera-t-il des planificateurs du ministère de la Santé et les gestionnaires de Santé Québec? Leur rémunération sera-t-elle diminuée si le système continue à mal fonctionner?
L’argument le plus discutable des fédérations médicales est le menace que les patients qui ont déjà un médecin de famille pourraient le perdre en vertu du projet de loi. Ça fait peur au monde, mais l’article 4 du PL 106 est clair à ce sujet: ça n’arrivera pas.
L’ASPECT POLITIQUE
Il y a un élément profondément politique dans la volonté du gouvernement caquiste d’affronter les médecins. La CAQ cherche désespérément un moyen pour remonter la pente dans l’opinion publique. À première vue, il ne peut que sortir gagnant: ou bien il a «le courage» (dixit le premier ministre) de se tenir debout face aux puissants syndicats de médecins, ou bien les médecins acceptent l’approche gouvernementale. Dans les deux cas, c’est 1 à 0 pour les caquistes.
Malheureusement, les patients pourraient être les perdants d’un tel affrontement. Personne n’y gagne si les médecins sont contraints à
pratiquer leur art dans des conditions qui leur sont imposées par les fonctionnaires. La voie de passage la plus souhaitable, et de loin, est la négociation de bonne foi. Mercredi, toutes les parties semblaient d’accord pour reprendre les pourparlers. Souhaitons que ceux-ci aboutissent à un mode de rémunération vraiment plus simple, qui appuie les médecins dans une pratique à la fois efficace et humaine, plutôt que de les assommer. Les médecins ont sans doute leur bout de chemin à faire, mais c’est le gouvernement qui a le fardeau de la preuve.
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