Le risque démographique
Il fallait reprendre le contrôle de l'immigration temporaire, mais réduire l'immigration permanente pourrait affaiblir le Québec
(Photo Marc-Olivier Jodoin, pour UnSplash)
Les plus récentes données de Statistique Canada indiquent que la population du Québec a légèrement diminué au cours du deuxième trimestre de 2025; c’est une première depuis la pandémie. Mais ce n’est peut-être pas la dernière fois qu’un tel phénomène se produit. Cela s’explique par la décroissance naturelle de la population - le nombre de décès excède désormais le nombre de naissances - et par la baisse de l’immigration temporaire, résultat des politiques restrictives mises en place par le gouvernement fédéral et par le gouvernement du Québec.
On doit certes se réjouir de voir que les gouvernements ont repris le contrôle de l’immigration non-permanente - travailleurs temporaires et étudiants étrangers -. Cependant, dans le cas du Québec, il faut s’inquiéter des tendances à plus long terme. La natalité étant à son plus bas ces années-ci, l’immigration est notre seule source de croissance démographique. Une diminution trop rapide ou radicale de l’immigration temporaire et permanente aurait plusieurs effets néfastes, notamment de nature politique et économique. Politique, parce que si la population du Québec croît beaucoup plus lentement que celle du reste du pays, notre poids politique au sein de la fédération diminuera encore plus rapidement que la tendance actuelle.
Effets économiques, aussi, parce que l’augmentation de la population est une des principales sources de la croissance économique, et donc de notre richesse collective.
Malheureusement, le gouvernement de la CAQ envisage, pour les années 2026 à 2029, trois scénarios de diminution de l’immigration permanente, dont un réduirait cette immigration de 50% (25000 nouveaux immigrants par année). Le Parti québécois, en avance dans les sondages, vise lui aussi une baisse radicale du nombre d’immigrants permanents.1 Ces mesures, sans doute populaires auprès d’une partie de l’électorat, sont fondées sur l’idée que la capacité d’accueil du Québec est dépassée et qu’un nombre trop élevé d’immigrants fait peser une pression excessive sur les services publics.
Or, cette idée d’une capacité d’accueil dépassée ne repose sur aucune preuve solide. D’ailleurs, dans son cahier de consultation sur la Planification pluriannuelle de l’immigration 2026-2029, le ministère de l’Immigration, de l’Intégration et de la Francisation souligne que «le concept de capacité d’accueil devrait être interprété avec prudence puisqu’il renvoie à des notions tant quantitatives (par exemple, le besoin en logement et les emplois disponibles) que qualitatives (le sentiment d’appartenance, la présence de milieux inclusifs et la cohésion sociale, etc.), et qu’il n’existe pas de méthode scientifique pour la déterminer.»
Cette capacité d’accueil, dans la mesure où on peut la mesurer, n’est pas fixe, contrairement à ce que plusieurs semblent croire. Si le Québec détermine que, pour des raisons politiques, économiques et humanitaires, il doit accueillir un nombre élevé d’immigrants, il lui faudra tout simplement agir avec audace et détermination pour rehausser notre capacité à intégrer ces nouveaux arrivants.
J’ajoute que je suis très sceptique lorsqu’on rend l’immigration responsable des problèmes dont souffrent nos services publics, notamment en santé et en éducation. Ces problèmes datent de bien avant les hausses récentes dans le nombre d’immigrants temporaires. Sans doute ces hausses ont-elles exacerbé certaines de ces difficultés, en particulier dans l’accessibilité au logement, mais leur source est ailleurs. Reprendre le contrôle d’une immigration temporaire débridée était nécessaire; réduire de manière draconienne nos objectifs d’immigration permanente comporte des risques qu’il ne faut pas négliger.
Les souverainistes ne semblent pas se rendre compte qu’en proposant de diminuer l’immigration permanente, ils suggèrent d’affaiblir le Québec au plan politique, économique, social et culturel, un affaiblissement qui se fera ressentir que le Québec reste au sein de la fédération canadienne ou qu’il se sépare du Canada.