Quelle tristesse!
L'interdiction des prières de rue, une violation flagrante des droits fondamentaux des personnes pratiquantes, ne vise en réalité qu'à relancer la CAQ dans les sondages
Photo Matin Firouzabadi sur Unsplash
En grande difficulté dans les sondages, le gouvernement Legault tente désespérément de regagner des points dans l’opinion publique en exploitant un thème rentable, la peur des musulmans. C’est ainsi que le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, a fait savoir que le gouvernement déposera cet automne un projet de loi «renforçant la laïcité», notamment en interdisant les prières de rue. Conscient qu’une telle interdiction viole la liberté de religion protégée non seulement par la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi par la charte québécoise, le gouvernement aura - encore une fois! - recours à la clause dérogatoire qui permet de faire comme si ces chartes n’existaient pas. Et encore une fois, cela se fera sous les applaudissements de la majorité des Québécois.
Soyons clairs ici: ce ne sont pas les prières dans les lieux publics qui dérangent; les catholiques prient en public depuis des décennies et personne n’a jamais protesté, même si les Québécois ont jeté la religion aux poubelles. Non, ce qui dérange, ce sont les musulmans qui prient, de la même façon que l’interdiction des signes religieux ne visait en réalité que le foulard musulman.
Au Québec, les musulmans pratiquants suscitent un malaise; ils inquiètent; ils dérangent. Dans une population qui n’est pas familière avec ces pratiques et qui a rejeté la religion, ce malaise est compréhensible. Mais ce n’est pas une raison pour violer les droits fondamentaux des gens.
Je rappelle l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme:
«Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.»
Notre bon gouvernement de la CAQ viole donc non seulement les chartes canadienne et québécoise, mais la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée à l’ONU en 1948. Il est poussé à agir ainsi pour des motifs essentiellement partisans; la CAQ est en compétition avec le Parti québécois à savoir quel parti sera le plus intolérant envers la minorité musulmane.
Et tout ça pour régler quel problème? S’il y a des manifestations de prière qui nuisent à l’ordre public ou à la circulation, les corps policiers disposent déjà de tous les pouvoirs pour intervenir. Nul besoin d’un nouvel arsenal législatif qui fera disparaître une pratique religieuse de l’espace public pour la seule raison que beaucoup de Québécois y sont instinctivement hostiles.
Je rappelle aussi qu’un grand nombre de musulmans installés au Québec parlent un excellent français et s’intègrent très bien à la société majoritaire. Mais ça ne nous suffit pas. Non, nous voulons des immigrants qui parlent français sans accent, ne manifestent d’aucune façon leur culture d’origine et adorent Marie-Mai. Autrement dit, nous voulons des immigrants invisibles, instantanément et complètement assimilés. Sinon, on annonce l’«invasion».
Je reviens ici sur le recours préventif aux clauses dérogatoires des chartes canadienne et québécoise. Cela peut paraître très technique, mais ce recours est en réalité d’une terrible gravité. Il signifie que les citoyens qui se croient lésés par une loi perdent tout recours devant les tribunaux. Face au gouvernement, les citoyens sont désormais sans défense aucune. Cela équivaut à jeter les chartes aux poubelles. Si Duplessis avait fait ça, on le condamnerait aujourd’hui. Mais comme ça vise essentiellement les musulmans, on s’en moque. Quelle tristesse!



Prières en public ou provocation?
Je ne suis pas avocat et encore moins théologien, mais je prie encore.
L’objectif de la prière, un acte éminemment personnel par ailleurs, est d'exprimer sa foi ou d'invoquer des bénédictions, dans un esprit de dévotion et d’humilité, comme dans le cas d’une personne qui prierait silencieusement dans un parc pour demander la paix.
La prière en public, quant à elle, entraîne inévitablement une réaction. Un individu qui prie à haute voix dans un lieu public peut inspirer le respect ou l’admiration chez ceux qui partagent la même foi, ou éveiller la curiosité chez ceux qui ne la partagent pas.
Un musulman qui prie en public pendant le ramadan, un chrétien qui bénit un repas en famille lors d'un pique-nique, ou un groupe de personnes qui se réunit pour prier dans un espace public après une catastrophe naturelle ne représentent aucun danger pour la société et ne constituent pas des atteintes à la laïcité, tandis qu’un individu qui, lors d'une manifestation publique, adopterait une posture religieuse qui suscite une réaction de mépris ou de confrontation fait de la provocation, pas une prière.
François Legault avait déclaré à l’automne 2024 qu’il comptait se battre pour les valeurs fondamentales du Québec, comme la laïcité et il a évoqué un possible recours à la disposition de dérogation pour interdire les prières en public, en référence à une manifestation propalestinienne qui avait eu lieu devant l’Université McGill. À la suite du dépôt du rapport du comité Pelchart-Rousseau, chargé d’étudier les dérives qui sont survenues à l’école Bedford, le gouvernement Legault en remet une couche de plus et propose maintenant de déposer un projet de loi dès cet automne pour renforcer l’application de sa loi sur la laïcité.
Or, on aura beau faire toutes les lois que l’on veut pour interdire la prière en public, cela n’empêchera jamais les islamistes de faire de la provocation. Ils trouveront toutes sortes d’autres stratagèmes pour provoquer. À titre d’exemple, un groupe d’islamistes va maintenant prier devant la basilique Notre-Dame tous les dimanches depuis l’automne dernier.
Notre gouvernement serait beaucoup mieux avisé de mener une éducation populaire concernant les propositions formulées par le comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec dans la fédération, dont le rapport « Ambition, affirmation, action » avait été publié l’an dernier. Parmi les recommandations phares de ce comité, les premières préconisent l’adoption d’une constitution codifiée par l’État du Québec et d’une loi‑cadre sur la liberté constitutionnelle. En plus d’enchâsser la notion de citoyenneté québécoise, la constitution codifiée suggérée pourrait inclure les caractéristiques spécifiques de la nation québécoise (langue française, droit civil, etc.), les symboles qui y sont associés (devise, drapeau, etc.), les éléments relatifs à l’organisation de l’État québécois (régime parlementaire, Assemblée nationale, etc.) ainsi que certaines lois fondamentales actuellement en vigueur, comme la Charte des droits et libertés de la personne, la Charte de la langue française et la Loi sur la laïcité de l’État.
Comme le disent Christiane Pelchat et Guillaume Roussesau dans leur rapport (page 9), « L’aménagement du régime de laïcité en deux lois engendre confusion et ambiguïté ». Ils recommandent plutôt de « Mentionner le caractère laïque de l’État du Québec dans une Constitution québécoise écrite et y enchâsser les principes ainsi que les droits et les principales règles qui y sont associées » et (recommandation 5 ), « Inscrire le caractère laïque en tant que caractère fondamental du Québec au sein de la loi constitutionnelle de 1867 »
On voit aussi dans ce rapport (à la page 11) que ce seraient plutôt les municipalités qui devraient édicter des mesures encadrant les manifestations religieuses collectives, pas le gouvernement du Québec.
Claude Gaudet
Merci André. Voilà la réalité bien expliquée. Ce gouvernement ressort la laïcité dans le seul but de faire diversion, de détourner l’attention médiatique de sa misérable gestion des fonds publics. Tout cela en tablant sur la peur de l’Autre….