M. Johnson aurait dû s'abstenir
Au procès de son ami Gilbert Rozon, l'ancien premier ministre a malencontreusement engagé le prestige de la fonction
(Photo HEC Montréal)
J’ai toujours eu le plus grand des respects pour Me Pierre Marc Johnson, ex-premier ministre du Québec. M. Johnson est un homme brillant, au jugement respecté de tous, tel qu’en témoigne sa carrière politique et juridique exceptionnelle.
C’est pourquoi j’ai été très déçu de le voir témoigner en faveur de Gilbert Rozon, au procès civil tenu contre celui-ci sur la base des allégations d’agressions sexuelles faites par neuf femmes. Bien sûr, on a le droit de défendre un ami. Mais Me Johnson n’est pas n’importe qui. Lorsqu’il agit publiquement pour une cause, il y engage non seulement son prestige personnel, mais celui d’avocat de haut calibre, d’ancien premier ministre et d’ancien ministre de la Justice.
Or, lors de son témoignage, M. Johnson a tenu des propos regrettables au sujet du mouvement #metoo, un mouvement dirigé selon lui «contre les personnes qui ont eu du succès». C’est un peu court, pour dire le moins. De plus, il a exprimé des doutes sur la valeur des témoignages des présumées victimes: «Quelqu’un qui a la réputation d’être volage est susceptible d’être la cible d’allégations d’agression sexuelle.» Entre être «volage» et commettre des agressions à répétition, il y a une très grande marge.
Surtout, le témoin a mis tout son poids en faveur de l’innocence de M. Rozon, alors qu’en réalité, il ne sait rien de ce qui s’est vraiment passé. Il n’a jamais interrogé son ami directement sur ces allégations. Il s’est tout simplement fié à sa parole. «Ce n’est pas un homme qui exerce la violence ou la contrainte», a-t-il dit. Mais qu’en sait-il? Comme avocat, M. Johnson devrait savoir qu’il y a toute une différence entre les apparences et les faits. Rares sont les personnes qui affichent ouvertement leurs comportement sexuels, en particulier ceux qui sont condamnables, même avec leurs amis intimes.
J’ignore si M. Rozon a fait ce qu’on lui reproche mais, chose certaine, on ne peut rejeter du revers de la main les témoignages des neuf femmes qui le poursuivent. Puisque, en réalité, M. Johnson ne sait rien de ce qui s’est vraiment passé entre son ami et ces femmes, il aurait mieux valu qu’il s’abstienne d’intervenir dans un contexte aussi grave qu’un procès.
Je suis d’accord avec vos commentaires.