La bureaucratisation extrême de la médecine
Les risques du projet de loi 106 sur la rémunération des médecins
(Photo Guillaume Piron, pour Unsplash)
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déposé le projet de loi 106, qui prévoit un nouveau mode de rémunération pour les médecins, fondé notamment sur leur capacité à atteindre les objectifs fixés par le gouvernement. Les médecins sont furieux, et le font savoir.
Je ne sais pas si le mode de rémunération prévu, basé sur la prise en charge de patients (capitation) plutôt que sur chaque acte médical accompli, est préférable. Ce qui me frappe davantage, c’est que ce système va accentuer encore la bureaucratisation et la centralisation de notre système de santé.
Laissez-moi être nostalgique un moment (c’est le propre des personnes un peu plus âgées!) : il fut un temps pas si lointain où si vous vouliez avoir accès à un médecin de famille, vous deviez appeler différents cabinets pour savoir si le médecin en question avait de la place. Ce n’était pas parfait, mais en gros, ça marchait.
Quand vous deviez voir un spécialiste, votre médecin de famille en trouvait un qui avait de la place sur sa liste d’attente. Encore là, c’était loin d’être parfait, mais généralement, ça fonctionnait.
Cependant, les délais pouvaient être longs, et bon nombre de Québécoises et de Québécois n’avaient pas de médecin de famille. Il y a eu des protestations, et le gouvernement a réagi comme il le fait tout le temps : il a pris le contrôle de tout ça.
Quand mon médecin de famille a pris sa retraite, j’ai été mis sur la liste d’attente du gouvernement; il leur a fallu trois ans pour me trouver un médecin (par ailleurs très bon!). Est-ce que ce système fonctionne mieux que l’ancien? Je ne suis pas sûr du tout.
Le projet de loi 106 va donner encore plus de pouvoirs à la bureaucratie. Faute d’entente avec les médecins, le ministre et la Régie de l’assurance-maladie vont tout décider seuls. Par exemple, aux fins de calcul du tarif de prise en charge, chaque patient sera classé, annuellement, par la Régie, dans une catégorie selon son niveau de vulnérabilité. L’expérience de la bureaucratie nous laisse craindre bien des décisions arbitraires, même si la loi fixe des paramètres relativement précis.
C’est une tendance compréhensible des politiciens, lorsqu’ils sont confrontés à un problème, de vouloir tout contrôler de Québec. Mais ce n’est pas toujours la bonne chose à faire. Les exemples pleuvent dans notre système de santé de décisions bureaucratiques qui ont peu de sens. À lire, ce matin dans La Presse+, la chronique de Patrick Lagacé sur le rationnement des papiers-mouchoirs au CHUM.
Or, dans le même hôpital, selon Le Journal de Montréal, en vertu d’une entente de PPP, on paie des factures faramineuses pour des travaux mineurs : «Huit mille deux cents dollars pour modifier une porte, 7700$ pour des bras de soutien dans les toilettes, 45 000$ pour réaménager la salle de prière», peut-on lire. Le Syndicat des employés du CHUM attribue cette situation à la «grande proximité avec le privé» créée par le PPP. Peut-être. Mais, PPP ou pas, comment se fait-il que les gestionnaires du centre hospitalier sont incapables de contrôler de tels coûts exorbitants?
Je ne suis pas un apôtre du secteur privé à tout crin. Je crois profondément au rôle de l’État dans une foule de domaines. Mais il me semble que depuis quelques années, on a été trop loin. Le nombre d’employés de l’État québécois a explosé – de 2022-23 à 2024-25, on est passé de 565 368 à 608 793 ETC (équivalent temps complet), une hausse de 7,7%. Trouvez-vous que l’efficacité est au rendez-vous?