Dépenses de défense: une grosse inquiétude
Pourquoi les équipements achetés par les Forces armées canadiennes coûtent-ils beaucoup plus cher que prévu?
(Photo Lockheed Martin)
Le premier ministre Carney a annoncé lundi une augmentation des dépenses militaires du Canada de $9 milliards pour l’année en cours (2025-2026), ce qui permettra au pays d’atteindre la cible de 2% du PIB fixée par l’OTAN. Très bien, cela s’impose dans le nouveau contexte géopolitique qui est le nôtre.
Mardi, la Vérificatrice générale du Canada publiait son rapport sur le projet du Canada d’acquérir 88 chasseurs F35, qui remplaceront éventuellement les CF18 vieillissants. Selon les données compilées par l’équipe de Karen Hogan, ce projet coûtera au moins $27,7 milliards, 50% de plus que ce qui avait été annoncé il y a trois ans. Et cette somme ne comprend pas «certains éléments nécessaires à la pleine capacité opérationnelle, tels que la mise à niveau essentielle des infrastructures et l’armement perfectionné.» Cela ajoute $5,5 milliards au coût total du projet.
Ces dépassements de coûts du projet CF35 ne sont pas l’exception, au contraire. Depuis des décennies, les projets d’approvisionnement des Forces armées canadiennes ont très souvent coûté beaucoup plus cher que prévu, une situation que les militaires font tout en leur pouvoir pour camoufler.
Lorsque j’étais au Sénat (2016-2019), j’ai siégé sur un comité qui a étudié les coûts de la Stratégie nationale de construction navale, visant à renouveler la flotte de la Marine royale canadienne, de la Garde côtière canadienne et de Transports Canada. Nous nous sommes particulièrement intéressés au projet de construction de 15 nouveaux destroyers. À l’origine, ce projet devait coûter $14 milliards. Il nous a été extrêmement difficile d’obtenir des réponses claires à nos questions sur ces coûts.
Finalement, les estimations ont été mises à jour: entre $56 et $60 milliards pour les 15 navires de combat. C’est le chiffre qu’on trouve toujours sur le site web du projet. Or, on a appris en mars dernier qu’«à la suite d’une analyse approfondie», le gouvernement évalue maintenant la construction des trois premiers navires à $22,2 milliards. Il est sans doute trop simple de multiplier par cinq pour avoir une idée du coût des 15 navires. Mais la revue spécialisée Esprit de corps l’a fait: ça donne $108 milliards, presque 8 fois le coût initial prévu.
La plupart des experts en conviennent, il y a un problème dans la façon dont le Canada acquiert ses équipements de défense. Après s’être penché sur la question, un comité de la Chambre des communes a rapporté l’an dernier «des obstacles bureaucratiques et de la complexité des processus en question, des problèmes liés à l’aversion au risque et à la politisation, de la pénurie de spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense, du manque de transparence et de responsabilisation, des retards touchant l’approvisionnement et des dépassements de coûts.»
Dans un contexte où les investissements du gouvernement du Canada dans ce domaine vont croître de manière importante au cours des prochaines années, la persistance de ces problèmes est très inquiétante.